Oser faire confiance

Je souhaite aujourd’hui mettre en avant Emmanuel Delessert, philosophe et auteur du livre Oser faire confiance. Dans ses propos, il explique la différence entre « avoir confiance » et « faire confiance ».

Au cœur de toute aventure collective, qu’elle soit culturelle, associative ou professionnelle, la valeur « confiance » joue un rôle central. Elle est le ferment, le liant indispensable qui peut donner à l’ensemble de la démarche un sens effectif, une raison d’exister et contribuer fortement à son efficacité. En dépit d’un consensus assez établi sur l’importance de cette valeur dans la vie de tous les collectifs, sa mise en œuvre concrète demeure toujours assez problématique, en raison d’un a priori assez défavorable qui l’accompagne. La confiance est en effet souvent associée à une forme de crédulité, de fragilité, voire de naïveté, ce qui conduit à vouloir la contrôler, la limiter ou la garantir par de multiples biais. De là, la dimension souvent paradoxale d’environnements où la valeur confiance, affichée et plébiscitée, est finalement annihilée sur le terrain par des stratégies constantes de réassurance. La raison principale de ce décalage provient d’une compréhension insuffisante de la valeur « confiance » et d’une confusion importante entre deux usages du même mot, qu’il paraît indispensable de distinguer. La « confiance », d’un côté et « faire confiance » de l’autre. Volontiers confondues, ces deux expressions renvoient cependant à deux univers totalement opposés et à deux manières d’agir tout à fait inconciliables. La confiance est un sentiment de sécurité qui renvoie à une vision du monde dégagée de toute forme d’incertitude, tandis que faire confiance désigne un acte puissant, par lequel deux libertés s’engagent ensemble sur une voie dont le risque ne saurait être évacué. L’idée sera donc de départager de manière définitive ces deux usages, afin de consacrer la puissance d’un « faire confiance », source de reconnaissance et de mise en puissance de son entourage autant que de soi- même.

Emmanuel Delessert